Toponymie et origine du nom

 

Au Moyen-Âge, Loisey s'appelait Lauziacus.

Loisey a une origine incertaine, comme nous le verrons un peu plus loin.
Loisey, ou plutôt « Lauziacus », la trace la plus ancienne du nom de notre village qui soit remontée à présent jusqu'à nous, était écrite en toutes lettres dans une charte que Louis le Débonnaire ( fils et successeur de Charlemagne depuis 814 ), eu la bonté d'adresser en cet an de grâce 825 à son protégé, le prieur de l'Abbaye de Saint-Mihiel située à une vingtaine de kilomètres de chez nous.


Ce qui est surtout intéressant dans ce Lauziacus, c'est le suffixe « iacus » qui se retrouve dans de nombreux noms de lieux du Nord-Est de la France et même un peu partout ailleurs à cette époque carolingienne, et qui a été particulièrement bien étudié par de nombreux chercheurs depuis le XIXème siècle.
Il était ainsi trés courant à cette époque d'associer un nom d'homme à ce suffixe "iacus" pour désigner un lieu.
Associé au nom de quelqu'un, cela signifiait donc littéralement « Domaine qui appartient à ... »
Vu sous cet angle, nous pouvons en déduire que Lauziacus était un domaine qui appartenait à un dénommé « Lauz... » avec sans doute une abréviation concernant les dernières lettres. Les dérivés de noms de personnes latin et bas-latin Lausius ou Lautius semblant être les plus plausibles...


Il est également utile de souligner que si ces noms de famille ne signifient pas grand chose en latin ou en dérivé du latin ( Lautius pouvant tout de même se traduire par l'adverbe "excellemment" ), une origine gauloise, celtique ou même gallo-romaine de certains noms encore trés courants à l'époque pourrait être tout à fait cohérente.
En effet, lausa ou lauze veut dire « pierre » dans la lointaine langue gauloise-celtique. Nous en est même resté le terme « lauze » qui est encore utilisé de nos jours dans de nombreuses régions de la moitié Sud de la France pour désigner les lourdes tuiles en pierres plates qui couvrent encore de vieilles demeures traditionnelles. De plus, de nouvelles recherches récentes viennent de corroborer le fait d'admettre de voir dans certains cas isolés des noms communs s'associer au suffixe "acus" ou "iacus" , et donner un nouveau sens à la signification du nom de lieu... Affaire à suivre donc !

Le nom évoluera ensuite légèrement au cours du temps. Orthographié "Loseyo", puis "Loiseo" dans le registre des paroisses (Pouillé) du diocèse de Toul rédigé en 1402. Latinisé sous diverses formes dans les pouillés écclésiastiques de Toul 1711 et Verdun 1888 : "Loiseium", "Loseyum", "Loiseum", "Loiseyum"... Et pour finir, le Loisey définitif dés le début du XVème siècle inscrit consciencieusement dans certains documents conservés aux archives départementales de La Meuse.

Le nom du village conservant ainsi sa terminaison en "ey" ( une pratique courante en Lorraine romane à l'époque pour beaucoup d'agglomérations, valable aussi pour les terminaisons en "y" ) est un indice sûr de l'origine gallo-romaine du lieu.

A noter également le nom en patois "Lousey" en vogue au cours du XIXème siècle d'aprés Hippolyte de Widranges et la retranscription "loizé" ou "loisé" réduite à sa plus simple expression et parfois utilisée au cours des siècles précédents.

 


 

Loisey tel qu'il était retranscrit dans un livre de comptes daté de 1524.
Source : Archives départementales de la Meuse pour Mr Bernard Thomas

 
La charte de Louis le Pieux appelé aussi Louis le Débonnaire :
"Au sujet d'un échange fait par Smaragde, Abbé de St-Mihiel"

(Extraite de l'Histoire de la célèbre et ancienne abbaye de Saint-Mihiel par le R.P Dom Joseph DE L'ISLE - 1757)
( Source Gallica - Bibliothèque Nationale de France)

 

 

 

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Miniature contemporaine de l'école de Fulda datant de 826 représentant Louis Ier le Pieux appelé aussi Le Débonnaire. Roi d'Aquitaine en 781. Empereur d'Occident de 814 à 840.

« Ludwik I Pobożny ». Sous licence Public domain via Wikimedia Commons

 

Voici une traduction approximative de la charte avec tous les aléas dus à la difficulté du latin du IXème siècle,
et dont vous voudrez bien nous pardonner les éventuelles petites erreurs :

 

 

Au nom du Seigneur Dieu et du Sauveur Jésus-Christ.
Par la providence divine de l'Auguste Empereur Louis.
Fidèles à notre règle et en raison d'avantages de choses échangées, nous confirmons par édit, et effectuons la coutume impériale, garante du droit dans cette affaire.
Pour cette raison, il est fait savoir à tous les fidèles, pour le présent et l'avenir de notre entreprise, qu'il a été porté à notre connaissance par le fait de la sérénité de notre vénérable Abbé Hildoinus, que Smaragdus, ex abbé du monastère de Saint-Mihiel, l'a bien fait construire dans le pays de Verdun prés de la rivière Marsoupe, là où il rejoint la rivière Meuse, et qu'un échange de biens communs et de gains ont été récemment fait par certaines personnes du nom d'Adalhardus, Rodaldus et Adalricus.
En conséquence, un rapport a été fait par Smaragdus ex abbé de son monastère, afin d'avoir donné biens aux hommes mentionnés ci-dessus dans le pays Barrois, dans un village appelé Lauziacus, d'un domaine et de ses dépendances.
D'autre part, ces hommes nommés ci-dessus ont donnés en compensation et de leur propre chef au monastère de l'abbé, un terrain dans le pays de Verdun, dans un village appelé Godinovilla.
Par conséquent, les deux échanges se sont fait dans de bonnes mains et d'une manière similaire par les personnes qui les ont établis eux-mêmes. Mais il a été demandé à notre bienveillance et notre altesse la pleine confirmation des changements effectués.
Nous n'avons pas refusé la demande à l'un de nos fidèles qui demande la justice, et nous lui avons donc accordée, et nous avons certifié toutes ces choses confirmées.
Pour ce qui est de qui a statué sur l'autre, pour toutes les parties de la justice et les contributions des uns et des autres, nous possédons le droit de l'autorité. Et où que ce soit, et à partir de ce moment, nous serons prêt à l'effectuer et jouir de notre liberté de choix en toutes choses.
Que cette autorité soit considérée comme établie et bien maintenue dans les temps à venir.
Par l'intermédiaire de notre anneau, nous avons apposé notre sceau.

Fait le dix-septième jour des calendes de septembre, avec les faveurs du Christ, dans la onzième année du deuxième règne du pieux et Auguste Louis.
Acte établi dans le palais du roi et au nom de Dieu tout puissant. Amen.

 


 
 

Les circonstances de la rédaction de cette charte :

Saint-Mihiel est une petite ville du département de la Meuse célèbre pour son ancienne abbaye bénédictine qui est située à 26 km du village de Loisey.


L'histoire de l'abbaye de Saint-Mihiel nous raconte que son monastère initial appellé Castellion ou Châtillon avait été fondé en 755 sur une des hauteurs des environs de la ville actuelle dans un endroit nommé Vieux Moutier.
L'auteur d'une chronique nous dit également que vers la fin du VIIIème ou au tout début de IXème siècle, l'un des ses abbés du nom de Smaragde, successeur de l'abbé Ermengaude, considérant que son monastère était situé sur une montagne d'un pénible accés et qu'il manquait d'eau de source, jugeat que pour procurer à ses frères les commodités de la vie, il serait expédient et sage de transférer ce monastère à une lieue de là dans la vallée, près de l'endroit où le ruisseau dit de la Marsoupe se jette dans la rivière Meuse.

C'est là qu'il fit poser les fondements d'une nouvelle Maison et quand elle fut presque achevée , il y fit venir la plus grande partie de sa Communauté , laissant l'autre dans l'ancien monastère pour y chanter les louanges du Seigneur en l'honneur de Saint Michel, auprès des sépultures des fondateurs.
Le nouveau monastère s'agrandit ainsi en abbaye et Smaragde s'occupa donc d'en acquérir ses terres aux alentours.


Le bon abbé Smaragde, trés actif, avait beaucoup de crédit auprés de Louis le Débonnaire, fils héritier et successeur du divin empereur Charlemagne. Cela rejaillit beaucoup sur son abbaye car les deux empereurs lui donnèrent plusieurs diplômes et chartes en sa faveur. Il eut même le privilège et l'honneur de participer au grand Concile d'Aix la Chapelle en 809.


A la mort de Smaragde, en 823, c'est un abbé nommé Hilduin qui lui succéda. On sait que l'une des toutes premières actions de ce dernier fut de prier Louis le Débonnaire de confirmer l'échange que Smaragde avait fait d'un bien qui appartenait à son abbaye et situé au village de Loisey dans le Barrois, contre un terrain que les dénommés Alhard, Rodal et Aldarnard possédaient à Godinecourt, ancien nom du village de St. Mihiel, parce qu'il était à sa bienséance, surtout depuis que le monastère de Châtillon y avait été transféré. L'Empereur accorda volontiers cette confirmation la onziéme année de son régne, en 825. Elle serait signée de Compiègne.


L'original de cette charte écrite en latin, et qui nous intéresse directement, nous, en tant que Loiséens curieux de nos origines est intitulé "De quadam commutatione facta à Smaragdo Abbate Sancti Michaëlis" (Au sujet d'un échange fait par Smaragde, Abbé de St-Mihiel)

Le précieux document a malheureusement disparu comme tant d'autres parchemins au cours des siècles qui suivirent. Nous en est resté la copie faite sans doute par un moine anonyme, auteur des chroniques de l'abbaye, et reproduite avec d'autres chartes dans un trés précieux cartulaire du XIIème siècle conservé aux archives départementales. Le tout sera fidèlement retranscrit dans cette histoire de l'abbaye de Saint-Mihiel.

Marcel Lacaze

Exemple d'un diplôme (ou charte) remarquablement bien conservé de Charlemagne, où il ne manque que le cachet de cire et le sceau royal. (Cliquer sur l'image pour agrandir)

« Diplôme de Charlemagne donné le 31 mars 797. - Archives Nationales - AE-II-42 » Ce document a été placé sur Wikimedia Commons par les Archives Nationales dans le cadre d’un partenariat avec Wikimédia France.. Sous licence Public domain via Wikimedia Commons

 

 

Loisey et sa région sur la carte de Cassini
(La première carte qui fut établie de manière scientifique en France au milieu du XVIIIème siècle, et à l'échelle de 1/86400)

 

 

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